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Friday, April 23, 2010

Alain de Benoist-LE SYSTEME DES MEDIAS

LE SYSTEME DES MEDIAS 

Alain de Benoist 

Pour parler desmédias, il faut commencer par rappeler quelquesbanalités. Les 
techniques de communication ont connuau cours deces dernières années un 
extraordinairedéveloppement, qu’il s’agisseducâbleet dusatellite, delatélévision 
hautedéfinition, del’explosiondelatélématique, dulancement duréseauInternet, 
etc.1 Grâce à ces nouvelles technologies, nous vivons désormais à l’ère de la 
globalité instantanée, c’est-à-dire de la possibilité d’une diffusion, d’une 
retransmissionoud’uneinteractionimmédiate, aussi bienauniveaufinancier et 
boursier que politico-médiatique. 
Cetteglobalisationmédiatiques’exprimepar deschiffresd’unordredegrandeur 
encorejamaisétévu. Enl’espacedequelquessemaines, unfilmàgrandspectacle 
—commeTitanicouLaguerredesétoiles—peut êtrevupar desdizaines, sinon 
descentainesdemillionsd’individusdanslemonde. LadernièreCoupedumonde 
defootball aétéregardéepar deuxmilliardsdetéléspectateurs. « Avecl’avènement 
dunumérique et dumultimédia, remarque IgnacioRamonet, le système est en 
mesuredediffuser unmêmemessageencontinuet endirect àl’ensembledela 
planète »2. Cetteseuleobservationpermet demesurer l’extraordinairepouvoir des 
médias —et la faiblessedes moyens qu’onpourrait leur opposer. Les médias 
peuvent promouvoir oudiscréditerunhommeenuninstant àl’échelleplanétaire. Ils 
peuvent décider des idées qu’il faut accepter ou rejeter, des produits qu’il faut 
acheter, desspectaclesqu’il faut aller voir. Il n’est pasexagérédedirequ’untel 
pouvoirexcèdelargement lescapacitésdepropagandedont ont pudisposerdansle 
passélesrégimestotalitaires, et qu’il ouvredespossibilitésded’influenceoude 
conditionnement que Goebbels ou Staline n’auraient même pas imaginées3. 
Cette explosion technologique met également en jeu de formidables intérêts 
économiqueset financiers, àlamesuredesmarchésviséset desinvestissements 
nécessaires pour les atteindre. Les industries de l’information ne cessent 
d’augmenter leursbudgetsdepublicitéet depromotion. Lesproduitsdérivésd’un 
filmrapportent fréquemment plusquelefilmlui-même, et lebudget delancement 
d’undisquedevariétéscoûtesouventpluscherquesaproduction. Aufil desrachats 
et desfusions, onvoit semettreenplacedesquasi-monopolesplanétaires. Voici 
quelquesannées, lerachat par AOL(AmericaOnline), premier fournisseur mondial 
d’accès à Internet, du groupe Time-Warner, qui allait quelques jours plus tard 
fusionner avecEMI, adonnénaissanceàunmonstretotalisant plusde100millions 
d’abonnéset quelque261milliardsdedollarsdecapitalisationboursière, l’opération 
de rachat étant elle-même évaluée à 350 milliards de dollars.
RégisDebrayatrèsbienmontréquel’humanitéest passéedurant sonhistoirepar 
trois« médiasphères »différentes : delalogosphère(écriture) àlagraphosphère 
(imprimerie), puisdelagraphosphèreàlavidéosphère(audiovisuel). Achacunede 
cesmédiasphèrescorrespondunmédiumdominant, et àchaquemédiumdominant 
correspond un certain mode d’organisation et de fonctionnement de la classe 
administrative, une certaine technique de transmission, un certain type de 
domination politique et symbolique4. 
Al’intérieurd’unemédiasphère, lemédiumdominant est toujourscelui qui garantit 
lemeilleurrapport entrelecoût etl’efficacité. Aujourd’hui, lemédiumdominant est de 
toute évidence la télévision5. 
Aucunappareil domestiquenes’est diffuséplusrapidement et plusmassivement 
quelatélévision. Onlatrouveaujourd’hui danspratiquement touslesfoyers, même 
les plus démunis. C’est au point que son absence étonne et suscite des 
interrogations : qui n’apaslatéléapparaît aumieuxcommeunoriginal, aupire 
commeunadversaireduprogrès. Danslaplupart desfoyers, latélévisiontrônedans 
lapièceprincipale, dont l’agencement « sefait enfonctionduposte, et nonpour 
former uncercle convivial »6. L’appartement se trouveainsi centré autour dela 
télévision, source lumineuse dispensatrice d’images dont l’apparition met 
généralement finaux conversations. Nombredegens ouvrent machinalement la 
télévision, commeonfait couler unrobinet, oulalaissent alluméeenpermanence, 
parfoisdans plusieurs pièces enmêmetemps. Dès 1990, uneenquêteofficielle 
montrait qu’elleest « si intégréeauquotidienquelefait d’allumer neparaît pas 
constituer, danslamajoritédesfoyers, unedécisioncorrespondant àunvéritable 
choix ». Dans plus de60%desfoyers, ellefonctionneàl’heuredes repas. La 
majoritédestéléspectateursneregardent d’ailleurspasunprogrammeparticulier. Ils 
regardent latélévision, qui n’est plusdèslorsunmoyendecapter uneémission, 
mais l’objet même du spectacle. 
Regarder latélévisionconstitueaujourd’hui, pour les Occidentaux, latroisième 
activitéprincipale, aprèsl’exerciced’uneactivitéprofessionnelleet lesommeil. Ony 
passeenmoyennetroisheuresparjourenFrance, quatreheuresauxEtats-Unis— 
beaucoup plus qu’à se nourrir, à sortir ou à faire l’amour. Le conditionnement 
commencetrèstôt, favorisépar uneappétenceàl’écraninduitedèsleplusjeune 
âge. Avant mêmedesavoir lire, unenfant apassédesmilliersd’heuresdevant la 
télévision. Dès l’âgededeux ans, il sait allumer leposte, dont laluminositéle 
fascine : c’est unfait bienconnudesparentsque« latélévisionest laseulechose 
qui immobiliselepetit enfant, personnetrèsactivedansd’autrescirconstances »7. Il 
n’en va guère différemment à l’âge adulte. Le journal télévisé de 20 heures 
rassembleenFranceplusdespectateursquetouslesquotidiensdumatinet du 
soirsn’ont ensembledelecteurs. Onestimeenoutrequ’environ70%desFrançais, 
soit les deux tiers de la population, ont la télévision pour seule source d’information. 
La télévision a elle-même connu une évolution technologique rapide. Le
développement delavidéo, lamiseaupoint decamérasportableset decaméras 
numériques, laretransmissionpar satellite, lui ont donnéunemobilitéqui lui permet 
d’être omniprésente. Etant le médium dominant, c’est elle qui imprime sa marque aux 
autresmédias. Onleconstateàlafaçondont l’informationest traitéedanslapresse 
écrite. Lacontagiondel’audiovisuel s’ymarquepar laplacegrandissantedonnéeà 
l’image, lalégèretédelamiseenpage, letonhumoristiqueouracoleurdestitres, la 
brièvetéet lasuperficialitédesarticles, lamultiplicationdesanecdotes, lerecoursà 
l’émotion, et bienentenduleconformisme. Pour survivre, touslesmédiasdoivent 
intégrer lesnormeset lesfaçonsdefairedupetit écran : laplacedessuppléments 
télévisionnecessed’augmenter danslesjournaux. Lesjournalistesdelapresse 
écritenejouissent d’ailleursd’unevéritablenotoriétéquelorsqu’ilsparticipent àdes 
émissionstélévisées. Leséditeurset leslibrairesdoivent euxaussi compteravecles 
perspectivesd’éditionnumériquedématérialisée. Lecinémaest lui-mêmeconçude 
plus en plus en fonction de son exploitation à la télévision, tandis que le 
développement d’Internet (qui comptedéjàenFranceplusdesixmillionsd’abonnés, 
soit autant qued’acheteursdequotidiens) laissedéjàprévoir lacyberdistributionde 
certains longs-métrages. 
Le petit écran, on le sait, est également devenu l’élément central de la vie 
politique. L’avenir d’unhommepolitiquedépenddesanotoriété, et sanotoriété 
dépenddesmédias—c’est-à-direqu’elleseconfondavecsavisibilité. Leshommes 
politiquessont donc tenus des’adapter auxexigencesdelatélévision. C’est en 
fonctiondesesrèglesqu’ilsdoivent apprendreà« communiquer », àdoser leurs 
« petites phrases »et leurs effets d’annonce, àcourir après l’audience queleur 
concèdent ceux qui comptabilisent immédiatement leur score, à répondre aux 
questionsdes journalistes qui pratiquent àleur égardunirrespect systématique, 
lequel n’est pas lesignedeleur indépendancemais plutôt lerévélateur deleur 
mépris. Il n’yajamaisautant dedéputésprésentsàl’Assembléenationalequele 
jour oùlesdébatsparlementairessont filmés. L’important est desefairevoir. La 
télévision, end’autrestermes, est devenue« l’arbitredel’accèsàl’existencesociale 
et politique » (Pierre Bourdieu). 
Cetteinfluencedesmédiassurlaviepolitiqueestàsensunique. Celasignifieque 
lepolitiquedépenddumédiatiquequi, lui, nedépendpas dupolitique. Dans le 
passé, l’autorité politiques’était toujours attachée à contrôler les médias. Cette 
époqueest terminée.L’introductiondelapublicité,laprivatisation,ledéferlement des 
chaînes diffusées par le câble ou le satellite empêchent les pouvoirs publics 
d’exercerlamoindretutellesurl’audiovisuel.AlexandreZinoviev, pourqui lesmédias 
expriment « laquintessencedelaviesocialedanstouteslesmanifestationsdesa 
subjectivité », dit trèsjustement qu’ilssont « devenusunsubstitut d’Etat pour lavie 
nonétatiquedelasociété »8. Larelationentrelepolitiqueet lemédiatiquenesaurait 
donc serésumer àunesimpleémancipationdusecondpar rapport aupremier. 
L’autoritéaseulement changédesens. Onmesurepar làcequel’expressionde 
« quatrième pouvoir », souvent utilisée pour qualifier la presse, peut avoir 
d’anachronique. Demêmequel’économies’est d’abordaffiméecommeuncontre-
pouvoirvis-à-visdupolitiqueavant desehisserenpositiond’hégémonie, lesmédias 
ont depuislongtempscesséd’êtreuncontre-pouvoir. Le« quatrièmepouvoir »est 
devenu le premier, et il n’existe plus aucun contre-pouvoir pour le contenir9. 
Il y a plusieurs façons d’analyser le système médiatique. Le premier niveau 
consiste à l’étudier comme un outil de propagande ou de désinformation. Les 
exemples ne manquent pas. On se souvient des cadavres de la morgue de 
Timisoaratransformésenfigurantsdelarévolutionroumaine, desbobardspropagés 
durant laguerreduGolfeouencore, aumoment delaguerrecontrelaSerbie, des 
massacresrebaptisés« dégâtscollatéraux »et desbombardementsdebâtiments 
civilsqualifiésd’« opérationsstratégiques »10.Jen’insisterai passurcepoint, dontj’ai 
déjà eu l’occasion de traiter ailleurs11. 
Unedeuxièmefaçond’analyser lesystèmedesmédiasconsisteàlesconsidérer 
commeuninstrument ducontrôlesocial, uninstrument du« maintiendel’ordre 
symbolique »(PierreBourdieu), c’est-à-direunoutil par lequel lesystèmedominant 
s’assure de la conformité du comportement des membres de la société. La 
technique, eneffet, n’est jamaisneutre. Lescaractéristiquestechniquesdesorganes 
decommunicationdéfinissent, nonseulement leur styleet leur contenu, maisaussi 
les conditions d’exercice de leur hégémonie. Comme l’écrit Régis Debray, « la 
corrélationmédiumdominant/penséehégémoniquesetraduit, àchaquestadedu 
développement technique, par la correspondance existant entre la technologie 
culturelle et la technologie politique d’une société »12. 
Il est banal deconstaterquelesmédiassont devenusdeformidablesinstruments 
àformer et conformer lesindividus : dèsledébut desannéessoixante-dix, Jean 
Baudrillardpouvait écrireque« latélé, c’est par saprésencemême, lecontrôle 
social chezsoi »13. Onaeneffet remarquédelonguedatecombienlatélévisiontend 
àfairedisparaîtrelescontactssociaux, lesrelationsd’échangeréciproque, combien 
elleplacelestéléspectateursenpositiondeconsommateurspassifs, isoléslesuns 
des autres, sans vie relationnelle forte. La télévision a largement contribué au 
mouvement derepli sur soi quel’onobservedepuisdeuxdécennies. Plutôt quede 
sortir, d’aller au cinéma ou au théâtre, de rencontrer des amis, on regarde la 
télévision. « Letriomphedulibéralisme, et ses effets sur laplace et lerôlede 
l’individudanslasociété, expliquent cerepli sur lasphèreprivée. Leseffetsdeces 
processusd’éclatement ont réduit leslienssociaux, qui nesetissent plusquedans 
le cadre du travail et qui, avec l’émergence de la production post-fordiste, 
disparaissent totalement »14. 
Enmêmetempsqu’ellepousseàsecouper des autres, latélévisionsatisfait, 
paradoxalement, lebesoind’évasionqui résultedecet isolement grandissant. Dans 
cette culture d’évasion, qui est aussi une culture de distraction, au sens étymologique
duterme, onapuvoir un« nouvel opiumdupeupleayant chargedefaireoublier la 
misèreet lamonotoniedelaviequotidienne »(GillesLipovetsky). Onconsommeen 
spectaclecequelavieréellerefuse : lesexe, leluxe, l’aventure, levoyage, etc. Mais 
cettedistractionn’est acquisequ’auprixd’unesorted’anesthésie, qui résultede 
l’impressiond’avoir lemondechez soi, depouvoir aller partout sans bouger, de 
pouvoir être au courant de tout sans avoir besoin d’une expérience vécue. 
L’imaginairequeproposelatélévisionest enoutreàlafoisimposéet stéréotypé. 
Lespectateur n’est pluslibredecréer sespropresimages. Il selaisseenvahir par 
celles qu’on lui propose et qui se gravent dans son esprit. Ce flux d’images 
permanent joueunrôledéterminant dansleprocèsdedésaffectionvis-à-visdes 
grandssystèmesdesens. Il dissout lesconvictions, rendlesindividusperméables, 
labiles, prêts à abandonner tout système de référence. Le lien qui unit le 
téléspectateur àl’écranest denaturehypnotique. Si leprogrammenelui convient 
pas, letéléspectateur nefermepassonposte, maiszapped’unechaîneàl’autre 
jusqu’àcequ’il trouveunprogrammequ’il n’ajamaiseul’intentionderegarder, mais 
qui retiendmieuxsonattention. Latélévisionfinit ainsi par regarder ceux qui la 
regardent. Cen’est plusletéléspectateur qui fait fonctionner sonposte, maisla 
télévisionqui modèlesoncomportement danslesensdel’adhésionpassive. Enne 
cessant d’élargir lasphèredeladépossessionsubjective, latélévisionagit ainsi 
commeunpuissant instrument d’intégrationausystèmeenplace. Dans1984de 
GeorgeOrwell, tout lemondeaunpostedetélévision, maispersonnen’ajamaisle 
droit del’éteindre—et personnenepeut savoir àquel moment l’organismede 
diffusion se sert du poste comme caméra de télévision. 
Tout cesystèmeévoqueirrésistiblement lePanopticondeJeremyBentham, dont 
Michel Foucault a fait une brillante analyse en tant que métaphore d’un 
redéploiement despouvoirsmodernesdanslesensdelasurveillancegénéralisée. 
Audépart, lePanopticonest unsystème« pan-optique »permettant auxgardiens 
d’uneprisondefaireensortequerienducomportement desprisonniersnepuisse 
leuréchapper. Safonctionessentielleest d’intérioriserchezeuxlaclaireconscience 
qu’ilsn’ont aucunmoyend’échapperauregardomniprésent deleurssupérieurs15. Il 
y a plus d’une affinité entre ce système et la télévision. 
L’avènement duréseauInternet est-il denatureàmodifiercettesituation ?Ases 
débuts, Internet aétéprésentéàlafoiscommeunespacedelibertétotaleet comme 
un prodigieux outil de créativité interactive. Cette interactivité était censée 
transformer destéléspectateurspassifsenpartenairesactifs. Cen’était qu’àdemi- 
vrai. Onconstateaujourd’hui qu’àcôtédesesavantagesévidents, la« toile »est un 
espacequi offreaussi denouvellespossibilitésdesurveillancetotale, et que« le 
principal défi querencontre ce type de réseau [est] celui de l’insignifiance des 
messagesqui ytransitent, fautededifférenciationet dehiérarchieentreeux »16. A 
biendeségards, Internet offresurtout lapossibilitéd’unelogorrhéeplanétaireàdes 
gensd’autant plusaffairésàcommuniquer entreeuxqu’ilsn’ont fondamentalement 
rien à se dire.
Il yaenfinunetroisièmefaçondeparler desmédiasaujourd’hui dominants, qui 
consisteàtraiter dusystèmemédiatiqueentant quesystème, indépendamment 
même de l’usage que peuvent en faire ses promoteurs. C’est sans doute celle qui est 
la plus riche d’enseignements. 
Une telle approche est d’autant plus nécessaire que le passage de la 
graphosphèreàlavidéosphèreaentraînéunsaut qualitatif inédit. L’erreurclassique 
consisterait ici àcroirequ’untypedemédiasenasimplement remplacéunautre. 
Autrefois, ungroupesocial exerçait sonhégémoniesurlaviepubliqueencontrôlant 
lesmoyensd’informationoudecommunicationet enlesutilisant pour diffuser ses 
messages. Celapeut encoreseproduire, bienentendu. Maispour l’essentiel, les 
chosesont changé. Lanouveautéradicaledanslavidéosphère, c’est quelemédium 
dominant, enl’occurrencel’audiovisuel, n’est plusunmoyen, maistendàs’instituer 
commesaproprefin. End’autres termes, les médias—endépit dunomqu’on 
continueàleur donner —nesont plus, fondamentalement, desintermédiairesentre 
les auteurs d’un message et les destinataires de ce message. Comme l’avait 
parfaitement vuMarshall MacLuhan, ilssont eux-mêmeslemessage. Lesmédiasne 
sont plusdesinstancesmédiatrices, permettant depasserd’unniveauàl’autre, d’un 
état dusocial àunautre. Ilssont eux-mêmesleur proprecontenu : lanouvellen’est 
autre que le porteur ou le transmetteur de nouvelles. 
Il est bienvrai quelesmédiascontribuent àfaçonnerlesopinions, lessentiments 
et les goûts, et qu’ils représentent de ce point de vue un extraordinaire outil 
d’influence. Maisl’influencelaplusconsidérablequ’ilsexercent provient, nondece 
qu’ilstransmettent, maisdeleur existencemême. Lesmédiasn’incitent pasàtant 
penser quelquechosequ’ilsn’incitent àpenser àtraverslesmédias. « Lemédium 
seul fait événement, a pu dire Jean Baudrillard, et ceci quels que soient les 
contenus, conformesousubversifs »17. Allant encoreplusloin, RégisDebrayparleà 
trèsjustetitrede« maîtrisedumédiumsur sesmaîtres, oudelamachinesur ses 
mécaniciens ». « Unemédiasphère, écrit-il, est untrascendantal techniquequi fixea 
priori lesconditionsdusenset del’événement àquiconqueveut s’enservir [...] Le 
manipulateur des médias est le premier manipulé par eux. Car la machinerie véhicule 
saproprevisiondumonde—indépendantedespartiset s’imposant àeux »18. C’est 
cequeconstateégalement AlexandreZinovievquandil écrit : « Tousceuxqui se 
considèrent commeleursdirigeants ouleursmanipulateurs doivent seconformer 
eux-mêmes aux critères qui leur permettent de diriger et de manipuler les médias [...] 
Lesmédiassont ladivinitésansvisagedelasociétéoccidentale, vénéréemêmepar 
ceux qui se croient ses directeurs et ses maîtres »19. 
Dansunetelleperspective, contrairement àcequ’écrit PierreBourdieu, c’est un 
débat trèsvaindesavoirdequel côtésont lesmédias, ducôtédupouvoirouducôté 
desmasses. Lesmédias, dit encoreBaudrillard, « nesont ducôtéd’aucunpouvoir 
parcequ’ilssont unegigantesqueforcedeneutralisation, d’annulationdusens, et 
nonpasuneforced’informationpositive, d’accroissement dusens. Ilsneutralisent
aussi bienlesforceshistoriquesquelesforcesdupouvoir, qui devient decefait 
transparent et flottant »20. 
C’est pour celaqu’il serait àlafoisnaïf et anachroniqued’analyser l’influence 
médiatiqueentermes de« complot », encherchant àenidentifier les « maîtres 
réels » ou les « chefs d’orchestre clandestins ». Les médias sont leurs propres 
maîtres, et ceux qui croient les diriger sont en fait dirigés par eux. La « main 
invisible »desmédias, cesont lesmédiaseux-mêmes. L’unanimismemédiatiquene 
provient pasd’unevolontédélibéréed’appliquerpartout lesmêmesconsignes, mais 
delanaturesystémique, intrinsèquement homogénéisante, dupouvoir médiatique. 
Lesmédiasfonctionnent danslesfaitscommes’ilsrecevaient desinstructionsd’une 
quelconquecentrale, mais il n’y apas decentrale. CommeInternet, commeles 
marchésfinanciers, commelesréseauxplanétaires, leurcirconférenceest partout et 
leur centre n’est nulle part. Le discours médiatique est avant tout un discours 
anonyme, parcequ’il est undiscourssansoriginerepérable. Lesystèmemédiatique 
est un opérateur circulaire parfait. 
Lemédiumétant lui-mêmelemessage, onnepeut doncplusseborneràcritiquer 
lesidéesqu’il véhiculeoulesvaleursqu’il impose. Cettecritiquedoit s’étendreaux 
organes mêmes de transmission, c’est-à-dire au système qu’ils constituent. 
La première observation que l’on est amené à faire est évidemment que le 
systèmemédiatiqueest d’aborduneénormemachineéconomiqueet financière—et 
comme tel un vecteur essentiel de l’idéologie économiste. L’univers de la 
communicationmobilise, onl’avu, dessommesdeplusenplusconsidérables. Si 
l’onyréfléchit uninstant, il yalàcommequelquechosedetrèsnaturel. Entant 
qu’équivalent abstrait universel, l’argent est eneffet l’agent decommunicationpar 
excellence. Commel’avait constatéKarl Marxdès1840, sanatureest defranchirles 
frontièreset defaciliterl’échangeenenramenant lestermesàleurseuledimension 
comptable. « L’argent, écrit GeorgesBalandier, exprimel’essencedessociétésoù 
presquetout peut setraduireentermesdemarchandise ; deplus, il informedansun 
universsocial et culturel oùl’informationest l’énergieindispensableàdesactivités 
deplusenplusnombreuses, et il désigneparexcellencelerapport échangistedans 
un monde qui est celui de la communication, de la multiplication rapide et de 
l’intensification des échanges de toutes natures »21. 
Lalogiqueinternedesmédiasest lalogiquedumarché. Cetrait est évidemment 
loindeleur êtrepropre, maisil asur euxdesconséquencesspécifiques. Lavaleur 
del’informationdépendait naguère, aumoins enpartie, desateneur envérité. 
Aujourd’hui, « leprixd’uneinformationdépenddelademande, del’intérêt qu’elle 
suscite. Cequi prime, c’est lavente »22. L’informationest devenueunemarchandise 
commeles autres. Et commetoutes les marchandises, ellevaut dans lastricte 
mesureoùellepeut sevendreet s’acheter. Il yaencoreundemi-siècle, lesuccès 
commercial immédiat était suspect —et d’autant plus suspect que les hautes 
créations culturelles, qui avaient presque toujours du mal à s’imposer, n’y
parvenaient qu’ens’opposant àlalogiquedumarché. Aujourd’hui, c’est l’inverse. Le 
succèscommercial immédiat est l’objectif qui primetout. Et c’est lui qui déterminela 
qualité. Cen’est pascequi est bonqui sevendbien, maiscequi sevendbienqui 
est considéré comme bon — et comme d’autant meilleur que cela se vend mieux. 
Oncomprendmieux, danscesconditions, lerôlecentral dévoluàlapublicité. 
Celle-ci nesebornepasàassurerdesrentréesfinancièressanslesquelleslaplupart 
des médias seraient déficitaires, mais constitue le modèle même du message 
médiatique. D’unepart, ellecréedesautomatismesauniveaudelapensée, grâceà 
deschaînesd’associationsqui échappent aucontrôledel’attention. D’autrepart, elle 
instaureet stimuledès l’enfanceundésir mimétiqueorientéversl’acquisitionde 
biens matériels. (Rappelons qu’à l’âge de douze ans, un enfant a déjà vu en 
moyenne100000messagespublicitaires). Cettesecondefonctionest évidemment 
laplus importante. Lapublicitén’est pas seulement levecteur d’uneincitationà 
l’achat. Globalement, ellesert avant tout àentretenir l’idéequelebonheur, raison 
d’êtredelaprésenceaumonde, seramèneouseconfondaveclaconsommation. 
Ellenevisepastant àvaloriser unproduit particulier qu’àvaloriser l’acted’achat 
dans sa généralité, c’est-à-direle système des produits. La publicitéincarne le 
langagedelamarchandise, qui est enpassedes’instaurercommeleparadigmede 
tous les langages sociaux23. 
L’informationlameilleureétant cellequi sevendlemieux, lastratégiemédiatique 
seconcentresur lacourseàl’audiencequi, lancéepar latélévisionavecl’audimat, 
s’est étenduedeprocheenprocheàlapresse, àl’éditionet aucinéma. L’argument 
publicitaireleplusclassiquetient alorsaunombredeconsommateursattiréspar un 
produit. Lefait quedesmillionsdegenssoient allésvoir lemêmefilmdevient la 
preuvequec’est unbonfilm. C’est leprocédéquel’onaappelél’« intimidation 
majoritaire ». Parallèlement, l’étiquette« vuàlatélévision »devient àelleseuleun 
argument devente : si c’est passéàlatélévision, c’est obligatoirement bon. On 
remarqueraque, làencore, untel principeest antagonistedelaculture, dansla 
mesureoù, pardéfinition, lesbiensculturelsnerépondent pasforcément àunelarge 
demande immédiate. 
Ceuxqui affirment querienn’est plusdémocratiquequel’audimat semoquent du 
monde, bienentendu. L’audimat nepermet pasdemesurercequelesgensveulent, 
maisdesavoir jusqu’àquel point ilsont intériorisécequ’onlesahabituésàvouloir 
—cequi n’est pastout àfait lamêmechose. Lesgensaiment cequ’onleur fait 
aimer. Danscedomainecommeailleurs, c’est l’offrequi déterminelademande, et 
nonl’inverse. « L’audimat, écrit PierreBourdieu, c’est lasanctiondumarché, de 
l’économie, c’est-à-dire d’une légalité externe et purement commerciale, et la 
soumissionauxexigencesdecet instrument demarketingest l’exact équivalent en 
matièredeculturedecequ’est ladémagogieorientéeparlessondagesd’opinionen 
matièredepolitique. Latélévisionrégiepar l’audimat contribueàfairepeser sur le 
consommateur supposélibreet éclairélescontraintesdumarché, qui n’ont riende 
l’expression démocratique d’une opinion collective éclairée »24.
Lebut même du message télévisé, c’est d’atteindre « tout le monde », sans 
s’interrogerni surlanaturedecequi peut atteindretout lemonde, ni surlaquestion 
desavoirsi tout peut êtrevuouentendupar tout lemonde. Or, pour touchertout le 
monde, il faut d’abordbaisserleniveau, et surtout n’amenerpersonneàseremettre 
enquestion, c’est-à-direnepasaller àl’encontredel’air dutemps. Il enrésulteun 
extraordinairerenforcement symboliquedecet air dutemps, enclair del’idéologie 
dominante. 
Lemessagequi atteinttout lemondecorrespondàcequePierreBourdieuappelle 
lefait « omnibus » : « Lesfaitsomnibussont desfaitsqui, commeondit, nedoivent 
choquer personne, qui sont sansenjeu, qui nedivisent pas, qui font consensus, qui 
intéressent tout le monde, mais sur un mode tel qu’ils ne touchent rien 
d’important »25. De tels faits sont le plus souvent futiles, ou simplement 
spectaculaires. Leur accumulation a pour effet « de faire le vide politique, de 
dépolitiser et deréduirelaviedumondeàl’anecdoteouauragot [...] enfixant 
l’attentionsur desévénementssansconséquencespolitiques, quel’ondramatise 
pouren“tirerdesleçons”oupourlestransformeren“problèmesdesociété” »26. Aux 
Etats-Unis, lesprincipaleschaînesdetélévisionconsacrent ainsi seulement 5%de 
leurtempsauxnouvellesdel’étranger.En1998,lesmédiasaméricainsont consacré 
plusdetempset d’espaceauxmirobolantesaventuresdeMlleLewinskyqu’àtoutes 
lesaffairesdepolitiqueétrangèredel’année. L’universalisationdepareilsmessages 
relève d’une stratégie entropique. Tout discours non conforme se trouve ainsi 
marginalisé, lacritiquen’étant plusadmisequesouslaformedeladérision(les 
« Guignols de l’info »). 
La notion de « consensus » joue ici un grand rôle. Cette notion, que les 
sociologuesont toujourseuleplusgrandmal àdéfinir (cen’est ni unecatégorie 
politique, ni unecatégoriejuridique, ni unecatégoriemorale), recouvreàlafois 
l’idéologiedominanteet cequ’onnesaurait mettrepubliquement enquestionsous 
peinedepasser pour undangereuxsubversif. Or, il est révélateur quelarecherche 
du« consensus »seretrouveaussi danslechamppolitique, bienqu’ellesoit tout à 
fait antagonique de la démocratie, qui suppose l’affrontement pacifié d’options 
nettement différentes. D’oùcetteremarquedeJeanBaudrillard : « Leconsensus 
commedegrézérodeladémocratieet l’informationcommedegrézérodel’opinion 
sont en affinité totale : le Nouvel Ordre Mondial sera à la fois consensuel et 
télévisuel »27. 
Dans le champpolitiquecommedans lechamp médiatique, larecherchedu 
« consensus »aboutit au mêmerésultat : l’indifférenciation. Dans ce qu’ona pu 
appeler la démocratie d’opinion, c’est-à-dire la démocratie façonnée par les 
sondages, les programmes des partis « recentrés »seressemblent au point de 
devenir indiscernables sur l’essentiel. Il en va de même des journaux ou des 
programmestélévisés : unarticleparudansungrandjournal pourrait paraîtredans 
n’importequel autregrandjournal, uneémissiondiffuséesurunechaînepourraitêtre
programméeparn’importequelleautrechaîne. Lesjournalistespassent eux-mêmes 
sans états d’âme d’un médiumà un autre. Les hommes et les contenus sont 
devenus interchangeables. 
Lesthéoricienslibérauxont toujoursaffirméquelaconcurrencefavoriselaqualité 
et ladiversité. Maisonvoit touslesjoursqu’elleaboutit exactement àl’inverse. Non 
seulement la concurrenceaboutit àlaconcentrationdu marché, qui recréedes 
monopoleset desoligopoles, et àlabaissedeniveau, qui est exigéeparlacourseà 
l’audience, mais elle entraîne l’uniformisation de l’offre par généralisation de la 
rivalitémimétique. Leprincipemêmedelaconcurrenceobligechaquemédiumà 
fairecommelesautresmédias, àtraiter desmêmessujets, àparler desmêmes 
livresquelesautres. « Cettesortedejeudemiroirsseréfléchissant mutuellement 
produit un formidable effet de clôture, d’enfermement mental »28. 
Le « pluralisme » n’est plus alors que le déploiement du Même. Jamais la 
télévisionn’aétéplusmonotonequedepuisquel’onpeut « choisir »entreplusieurs 
centaines de chaînes « différentes ». Le choix n’est qued’apparence : ce qu’on 
appellele« pluralisme »des médiasn’est quedelaconcurrencepilotéepar les 
contraintes du marché. Or, comme l’écrit Joël Roman, « le pluralisme d’opinion 
structurelechampdemanièrecentrifuge, entendant àfairediverger lesopinions, à 
marquerplusnettement lesarêtes, tandisquelaconcurrencelestructuredemanière 
centripète, encontraignant chacunàmimerl’autredanslebut d’obtenirleplusgrand 
nombrepossibledepartsdemarché »29. Laconcurrence, depar sanaturemême, 
ramèneles styles et les contenus àdes stéréotypes. C’est pourquoi les grands 
médiasdisent tousplusoumoinslamêmechose, limitant dumêmecoupcedont on 
a le droit de parler30. 
Cettehomogénéisationdudiscoursmédiatiqueest encorerenforcée, auniveau 
deshommes, par l’extraordinaireconnivenceentrelesjournalistes, lesdirecteursde 
journaux, lescommentateursdetélévisionet leshommesdepouvoir, connivencequi 
favorisel’autocensure, fait quelesinterlocuteursnes’affrontent plusquedemanière 
convenue et renforce une complicité objective fondée sur une appartenance 
commune à la Nouvelle Classe, et surtout sur des intérêts communs31. 
Chaquemédiumest porté, enraisondesesdéterminationspropres, àprivilégier 
unevisiondumonde, et doncuneidéologiesociale. Latélévisionétant lemédium 
dominant, il enrésultequesavisiondumondes’imposeégalement commevision 
dominante. Mais il nefaut pas oublier quel’informationn’est jamais donnéede 
manière brute. Elle est toujours produite, construite, ce qui implique un choix 
inévitable, quoiquerarement avoué32. Lesjournalistessélectionnent, consciemment 
ounon, lesinformationsselonqu’ellescorrespondent ounonàleurgrille, c’est-à-dire 
àlavisiondumondequelesmédiasleurimposent. C’est cequi expliqueleurtotale 
incuriositépour cequi leur apparaît « horschamp ». Demême, àlatélévision, le 
téléspectateurn’assistejamaisàunévénement, contrairement àcequ’il croit, maisà 
lareprésentationd’unévénement, àunemiseenimages, c’est-à-direunemiseen
scène, qui impliquetoujoursunesélectionet unmontage. L’information, pourrait-on 
dire, s’épuisedanslamiseenscènedel’événement, c’est-à-direenfindecompte 
dans la simulation. 
Un événement, par ailleurs, n’existe que pour autant qu’il est montré à la 
télévision. Unévénement dont lesmédiasneparlent est (comme)unévénement qui 
n’apaseulieu. Enrevanche, dèsqu’unévénement fait l’objet d’uncompterendu, 
d’unemonstrationmédiatique, il peut aussi devenirunévénement d’uneautresorte, 
uneévénementàunméta-niveau. Lesmédias, qui seveulent tousperformants, sont 
enréalitébiensouvent « performatifs », c’est-à-direqu’ilscréent l’événement plus 
encorequ’ilsn’enrendent compte—ouqu’ilsenrendent comptedefaçontelleque 
celarevient àle(re)créer.Unévénement peutainsi devenirun« grandévénement », 
nonenraisondesonimportanceobjective, maisparcequedesmillionsd’individus 
enont prisconnaissanceenmêmetempset ont étéportés, deceseul fait, àlui 
donner uneimportancedisproportionnée. Lamort delaprincessedeGalles(« Lady 
Di ») a été un exemple typique de la manière dont un fait-divers a pu être 
instantanément transforméen« grandévénement »mondial, provoquant dumême 
coup, àpartird’unportraittransforméenicône, desphénomènesd’hystériecollective 
oud’envoûtement del’imaginaireabsolument caractéristiques. (Onvoit celaaussi 
dans l’excellent film de Costa Gavras, Mad City). 
D’unefaçongénérale, onpeut direquel’informationest devenueaujourd’hui àla 
foissurabondanteet peucrédible. Pourtant, si l’onprendl’exempledelatélévision, 
on constate qu’elle présente relativement peu d’informations : on en apprend 
beaucoupmoinsenregardant unjournal téléviséd’unedemi-heurequ’enconsacrant 
unedemi-heureàlalecturedesjournaux. Latélévision, enrevanche, fait reposer 
l’informationsurl’image. Dansunjournal télévisé, plusdesdeuxtiersdutempssont 
consacrées aux images, un tiers seulement au commentaire. Plusieurs 
conséquences résultent de ce primat de l’image. 
Lapremière, et laplus évidente, est que l’événement dont latélévisionrend 
comptedoit pouvoir s’illustrer par l’image. Unévénement qu’onnepeut illustrer par 
l’imageatouteschancesd’êtrepassésoussilence. Lecorollairequi s’endéduit est 
quetoutcequi existedoit pouvoirêtremontré—c’est uneapplicationduprincipede 
latechnique : tout cequi peut êtreréaliséleseraeffectivement —, tandisquecequi 
nepeutêtremontrépeut àbondroit êtretenupourinexistant. Il vadesoi d’autrepart 
quelameilleureimageest cellequi retient leplusl’attention, qui frappeavecleplus 
de force, qui soulève l’émotion la plus intense. L’information devient dès lors 
étroitement dépendantedesoncaractèreplusoumoinspectaculaire. Cetteexigence 
explique par exemplelaplacedonnéepar latélévision aux « grandes causes » 
humanitaires. Reposant sur lamiseenscènedelamisère, deladétresseoudu 
malheur, l’humanitaireest par naturespectaculaire. Il envademêmedelaplace 
donnéeauterrorisme, dont l’essor ad’ailleursétéstrictement parallèleàcelui des 
médias : uneactionterroristeétant elleaussi spectaculaire, celui qui s’ylivreest 
assuré que son geste recevra la publicité la plus large.
La télévision use et abuse également du témoignage (« merci de votre 
témoignage »), qui ramènetout cequi est dit austatut d’uneopinionparmi d’autres, 
enfeignant decroirequecestémoignagesfournissent uneffet deréalité, c’est-à-dire 
attestent l’informationdont ilssont lecontrepoint. Cestémoignages, cependant, ne 
sont ni spontanésni recueillisauhasard. Ilsrésultent leplussouvent d’unesélection 
ou d’un montage, si bien qu’ils ne confirment jamais que les intentions ou l’opinion de 
ceux qui les ont sélectionnés. On s’en rend particulièrement compte dans ces 
innombrables« talk-shows »qui, faisant del’écrandetélévisionunlieud’exhibition 
narcissique, permettent àtout unchacundevenir exposer l’idiosyncrasiedeses 
expériencespersonnellesoudesesmalheurs, livrant ainsi auvoyeurismepublicun 
déferlement demessagesémotionnelssansautrecontenuquedespointsdevue 
subjectifs immédiatement soustraits au jugement. 
Lasecondeconséquenceduprimat del’image, c’est quelamonstrationremplace 
ladémonstration. Lejournalismeintellectuel del’après-guerrevisait àrévélerlesens 
de l’événement. Le journalisme actuel vise à accumuler des faits le plus vite 
possible. Lesreportagesdoivent êtrecourts, lescommentairessimples, entrecoupés 
d’interviewshachéset d’élémentsanecdotiques. L’imagedoit fairechoc. Lerythme 
doit êtrerapide, d’autant qu’il s’agit d’avoir l’informationavant les autres, cequi 
empêchegénéralement delavérifier et interdit delamettreenperspective33. L’idéal 
est quel’événement soit montréen« tempszéro »,c’est-à-direaumomentmêmeoù 
il seproduit. « Nul besoindemémoire, deréférences, decontinuité, tout doit être 
aussitôt compris, tout doit changer trèsvite », dit GillesLipovetsky. Alalimite, la 
valorisationdudirect rendlecommentairesuperflu. Lavaleur del’informationne 
résideplusni danssonimportanceobjectiveni danslasignificationqu’ellerevêt, 
mais dans leseul fait qu’ellerenvoieàquelquechosequi vient d’avoir lieu. Le 
journalisteneseplaceplusenpositiondecomprendre,maisenpositiondesurvol ou 
de surplomb. 
Latélévisionn’apar ailleursqu’unseul moyendehiérarchiser lesinformations : 
par letemps plus oumoinslongqu’elleleur consacre. Mais cettehiérarchiene 
reflètepas l’importancerelativeréelledechaqueinformation. Elleest elle-même 
déterminée par les critères du petit écran. La télévision ne possède pas les 
ressourcesdelamiseenpage, qui sont réservéesàlapresse. Elleest contrainte 
d’amenertouteslesinformationsdemanièreplusoumoinssimilaire, cequi renforce 
l’impression d’homogénéité. 
Ducôtédutéléspectateur, cettesuccessiond’imagesencascade, renvoyant à 
autant d’événements décontextualisés, favorise une consommation purement 
passiveouaffectivedel’information. Demêmequ’il nepeut yavoir d’histoireen 
« tempszéro », unevéritablecommunicationsupposetoujoursuneffet dedifféré, de 
retardàlatransmission, dedécalageentrel’émetteur et lerécepteur, décalage 
nécessaireàlaréflexionsur cequi fait l’objet mêmedecettecommunication.. Elle 
supposeend’autrestermesuneprofondeur dechampquel’audiovisuel retranscrit
ensurfaceplane. Lacommunicationinstantanéen’est qu’échangedesignifiants 
sanssignifiés,demessagessanscontenus. Danslamesureoùellevalorisedesfaits 
sansavoirni letempsni lesmoyensdelesmettreenperspective, ellepropageune 
confusionpermanenteentrevoir et savoir, entrevoir et comprendre. Latélévision 
donneainsi àpenser qu’il n’ypasdedistanceentreleréel et sareprésentationpar 
l’image. Dès lors, il n’y a plus de jugement possible, car le jugement nepeut 
s’inscrirequedansl’écart, c’est-à-diredansunecertainerésistanceàlaperception 
immédiate : cen’est pasenvoyant toujoursplusquel’oncomprendmieux, maisen 
réfléchissant toujoursplus, cequeledéferlement desimagesinterdit précisément de 
faire. Eninterdisant ladistanciation, l’imagetéléviséedécouragedonclaréflexion. 
« Tout semblesepasser, remarqueFrançoisBrune[...] commesi l’actualitéétait 
produitepour empêcher les gens d’entamer uneréflexionsur eux-mêmes et de 
prendreunecertainedistanceparrapportàtout événement »34.« Quandonest privé 
delapossibilitédefaireladifférenceentrecequ’onl’onvoit et cequel’onest, ajoute 
Marie-José Mondzain, la seule issue est l’identification massive, c’est-à-dire la 
régression et la soumission »35. 
Pardéfinition, lesensn’apparaît quesurfonddenon-sens, tout commelalumière 
nevaut quepar l’obscuritéqui l’entoure. Maislatélévisionneconnaît pascette 
distinction. Commel’écrit RégisDebray, elle« neproposepasuneséquencede 
signes, maisunfluxd’imagessanssyntaxe, unegrilledeprogrammessanslien 
discursif, qui juxtaposesans hiérarchiser, sanstotaliser, sansdistinguer [...] Elle 
n’est pas de nature à susciter des démarches d’abstraction ou d’inférence, de 
synthèse, ni decritique[...] Ellen’est pasfaitepour transmettredesidéesni pour 
produire la conviction, mais quelque chose entre l’assentiment superficiel et la 
rumeursociale »36. Latélévisionnefait eneffet rienconnaîtrequesurlemodedela 
rumeur. Avecelle, onnesait rien, maisonaentenduparler detout. Latélévision 
fonctionnesurledoubleregistredelasurabondanceet del’équivalencegénéralisée. 
D’unepart, lasurinformationaboutit aumêmerésultat quel’absenced’information. 
D’autrepart, uneimageenchassel’autre, donnant l’impressionqu’ellenevaut ni 
plus ni moins que la précédente ou la suivante. 
Cette neutralisation résultant de l’« immédiatisme », que l’on pourrait définir 
comme« lerégimed’autoritépropreauxsociétéssouscontrôlemédiatique »(Régis 
Debray), cetteneutralisationpar réductionàl’insignifianceet miseenéquivalence 
généralisée, est l’undestraitslesplustypiquesdusystèmeaudiovisuel. Onest ici 
trèsloindelapropagandeclassique. AlaveilledelaguerreauKosovo, onavu 
comment il asuffi queladécisiondestigmatiser lesSerbessoit prisepour qu’en 
l’espacedequelquesheures, unepropagandeplanétairesemetteenœuvrecontre 
laSerbie. Cependant, commel’asoulignéAlexandreZinoviev, « si demain, pourdes 
raisonsX, lepouvoirsupranational décidait que, toutcomptefait, lesAlbanaisposent 
plus de problèmes que les Serbes, la machine changerait immédiatement de 
direction, aveclamêmebonneconscience »37. C’est quedansuntel système, tout 
est équivalent, tout est réversible. Onpeut bienvouloir mettrel’imageauservicede 
la« mémoire », l’imagen’entretiendrajamaislamémoire, parcequ’ellen’est reliéeà
aucune mémoire. Elle circule dans l’espace sans s’inscrire dans le temps, ne 
provoquant l’émotion qu’un instant, avant d’engendrer l’indifférence et l’oubli. 
Lesmédiaspeuvent tout justifier, précisément parcequ’ellesnefonctionnent pas 
dansleregistreduvrai et dufaux. Edgar Morin, dèslesannéessoixante, avait 
observé que la culture de masse rend « fictive une partie de la vie de ses 
consommateurs. Ellefantomaliselespectateur, projettesonesprit danslapluralité 
desuniversimagésouimaginaires, fait essaimer sonâmedanslesinnombrables 
doublesqui vivent pour lui »38. Touteslesenquêteseffectuéesdepuismontrent que, 
lorsqu’onl’interrogesurlasoiréequ’il apasséedevant latélévision, letéléspectateur 
aleplusgrandmal àfairelapart del’information, delapublicitéet delafiction. Il 
confondlesgenreset mêlelescontenus. Celanes’expliquepasseulement par un 
manqued’attentiondesapart. Vladimir Volkoff dit que« letauxdevéracitéd’une 
informationn’aaucuneimportance, seulecomptesontauxdevraisemblance »39. Or, 
riennecréeplus lavraisemblancequel’image. L’audiovisuel nedistillepasdes 
vérités, maisdescertitudesliéesàl’apparence,descertitudesémotionnellesqui sont 
del’ordredusemblant. Il fait fusionner principedeplaisir et principederéalitéen 
fictionnant le réel. Parallèlement, le critère de vérité cède la place au critère 
d’efficienceou, plusexactement, dereprésentabilité. Dansunmondeoùl’« opinion » 
est reine, lavérité(politique, philosophique, religieuseouautre) devient elle-même 
uneopinionparmi d’autres. Commeledisait JacquesEllul, « il n’yapasvraiment 
d’information à la télévision, il n’y a que de la télévision ». 
Joël Romanadesoncôtétrèsbienmontréladifférenceexistant entrelalogique 
delacommunicationet cequedevrait êtreunesainelogiquedel’information. « Là 
où la logique de l’information est commandée par trois choses, la vérité de 
l’informationtransmise(c’est-à-direàlafoissaconformitéauréel et savérification), 
l’importance de l’information (son rôle, sa fonction), et enfin la nature des 
destinataires (ceux auxquels elle peut être nécessaire ou utile), écrit-il, la 
communicationproposechaquefoisunglissement decesnotionsqui entransforme 
complètement lesens. Alaplacedelavérité, onalacrédibilité, c’est-à-direl’effet de 
réel susceptibledeproduireuneinformation[...] ; plusquesonimportanceentant 
quetellecomptesapositiondanslarhétoriquedéployée[...] ; et enfin, lepublic 
importeici quantitativement : lavaleur d’uneinformationcroissait tout àl’heureen 
fonctiondesonimportancestratégique, doncàlalimiteenfonctiondelararetédu 
public, tandisquedésormais, c’est soninsignifiancequi laqualifie, danslamesure 
où elle doit idéalement intéresser tout public »40. 
Quandlacrédibilitéremplacelavérité, et quel’intensitédel’effet produit par le 
messageprendplusd’importancequelemessagelui-même, cequi enrésulten’est 
paslemensonge,maisundiscoursoùvéritéetmensongedeviennentéquivalentsou 
interchangeables. On ne peut pas dire, de ce point de vue, que la télévision 
« mente » : ellepropagesimplement undiscoursqui est au-delàduvrai commedu 
faux. C’est cequeJeanBaudrillardappellela« logiquehyperréalistededissuasion 
duréel parlevirtuel ».Levirtuel l’emportesurleréel ensedonnant commeplusréel
queleréel. Levirtuel, « c’est unmondesansrésistance, unmondefluide, ductile, 
maniable, opérableet combinableàmerci, bref, unmondedématérialisé »41. Tout le 
systèmemédiatiqueparticipedecegrandmouvement postmodernequi met finau 
sensenredoublant leréel par sessignes, qui fait divorcer lesigneet lesensen 
introduisant partout le simulacre et la simulation. 
Noussommesdoncdansunmondeoùil yadeplusenplusd’information, et de 
moinsenmoinsdesens. Maisceseraituneerreurdecroirequel’informationn’arien 
àvoiraveclasignification, quecesont deuxmodèlesopérationnelsd’ordredifférent. 
Cetteconcomitancen’aenréalitériend’hasardeux. « Il yacorrélationrigoureuseet 
nécessaireentrelesdeux, dit encoreBaudrillard, danslamesureoùl’informationest 
directement destructrice ou neutralisatrice du sens et de la signification. La 
déperdition du sens est directement liée à l’action dissolvante, dissuasive, de 
l’information, desmédias »42. L’informationin-forme, c’est-à-direqu’ellerendinforme, 
qu’ellesupprimetouteforme. Ellefait imploser lesens. Or, dissoudrelesens, c’est 
aussi dissoudre et déstructurer le social, le ramener lui aussi à l’entropie. 
Endernièreanalyse, l’idéal delacommunicationpourrait sedéfinir commeun 
idéal de transparence, que Jean Lacouture a pu définir comme « une forme 
relativement doucedebarbarie »43. Cet idéal viseàsupprimer tout cequ’il peut y 
avoir d’opaqueet de« rugueux »danslesrapportssociaux. Joël Romanparleàce 
proposde« philosophiedelacommunicationsansreste, sansparasites, sanslest 
d’aucunesorte »44. Al’arrière-plan, onretrouvel’idéedes Lumières d’unespace 
ouvert àladiscussionrationnellecommemodèledel’espacepublic, idéereprisepar 
JürgenHabermasaveclanotiondetransparencecommeconditiondepossibilitéde 
l’agir communicationnel. Le rêve d’une communication totale rejoint celui d’une 
concurrencepureet parfaite, d’uneviepubliquesansinstancesdepouvoir, d’une 
économiesansrareté, d’unesociétéconçuecommeunimmenseaquarium. C’est un 
idéal fondamentalement nihiliste. Maisc’est aussi unidéal totalitaire, danslamesure 
où il est porté par un système qui se veut d’emblée planétaire. 
Pour caractériser cenouveautotalitarisme, qu’onpourrait caractériser commeun 
système d’oppression sans oppresseur, Paul Virilio a forgé le terme de 
« globalitarisme ». Laprincipalecaractéristiquedecetotalitarismeest eneffet qu’il 
s’inscrit dans uneperspectiveglobale, planétaire, dans laquelleil n’y aplus de 
différenceentrel’intérieur et l’extérieur. Lesystèmemédiatiqueseveut lui aussi un 
monde sans extérieur. Contrairement aux anciens totalitarismes, qui n’exerçaient leur 
pouvoirquesurunepartieduglobe, permettant àleursadversairesdeseregrouper 
ailleurs, il s’étend à toute la planète et en fait un univers clos sur lui-même. 
L’explosiondusystèmemédiatiquemarquel’entréedansuneèreoùcen’est plus 
seulement lepouvoirpolitiquequi menaceleslibertés, ainsi qu’il l’atoujoursfait dans
le passé, mais bien plutôt les pouvoirs privés. Tout comme les grandes 
multinationales, lesprincipauxmédiass’emploient avant tout àfaireensortequeles 
normesprivéesdeviennent lesnormespubliques. Maislacontraintequi enrésulte 
est d’une nature différente. Alors que l’ancienne censure relevait d’un système 
d’interdit, lanouvelleémaneparadoxalement d’unsystèmedeliberté. Cettenouvelle 
« censur »enevisepastantàempêcherl’expressiond’uneopinion, mêmesi celase 
fait encore couramment, qu’à délégitimer toutes les opinions en tant qu’elles 
signifient quelquechose,c’est-à-direàréduireaunon-senstoutcequi seproposede 
faire sens. 
Alalimite, vouloir seservir desmédiaspour fairepasser unmessagetémoigne 
encored’uncertainoptimisme. Quandrienn’aplus d’importance, quandtout est 
devenuinsignifiant, untel messageest assuréderester sanseffets. C’est ceque 
constateencoreJoël Romanquandil écrit : « Pourquoi censurersi lebruit detant de 
messages accumulés vient vider desonsens legestesubversif, si touteparole 
dissonanteest destinéeàs’abîmer dansuninterminablebavardage[...] Pourquoi la 
libertési celle-ci sevidedesoncontenu, si pouvoirparlers’obtientauprixdeneplus 
riendire ?Qu’est-cequi nousmenacedavantage, est-celeciseauducenseur ou 
bienlaredondantemaréedediscoursqui nedérangent pluspersonnefautede 
pouvoir émerger dubruit ? »45. Onsesouvient decequ’avait dit Soljénitsyne, après 
avoirpasséquelquesannéesenAmérique :« J’ai vécunaguèredansunsystèmeoù 
l’onnepouvaitriendire, jesuisarrivédansunsystèmeoùl’onpeuttout direet oùça 
ne sert à rien ». 
Cequi aenfait leplus disparu, c’est lerapport critiqueentreles médias et 
l’idéologiedominante. Danslepassé, lorsquel’onhabitaitencorelagraphosphère,le 
livre et le journal possédaient au moins une vertu critique, qui mobilisaient les 
censeurs. Ce rôlen’est plus tenu désormais quedans des cercles minuscules. 
Aujourd’hui, l’audiovisuel destituelepolitiquesansmêmeavoirbesoindelecritiquer 
oudechercheràleréfuter. C’est lesigneindubitablequelesmédiasnesont plusun 
contre-pouvoir, mais qu’ils sont bel et biendevenus lepremier pouvoir. S’il y a 
parfaiteconsonanceentrelesystèmedes médias et l’idéologiedominante, c’est 
qu’ils se pénètrent et s’appuient l’un sur l’autre, se confortant ainsi mutuellement. 
Il n’yaévidemment pasderemèdemiraclepour changer unetellesituation. Le 
meilleur remèdeest sansdoutedeprendrel’exactemesuredusystèmemédiatique 
et denepassetromper sur sanature. Lemeilleurremèdeest aussi desortir dece 
systèmeet desazoned’influence. Il est probablequel’onverraàl’avenirdeplusen 
plusdemouvementsoudemobilisationsnaîtreendehorsdusystèmedesmédias. 
Le plus grand risque pour eux sera d’être récupérés par ce système. Dans 
l’immédiat, onpeut aumoins former des poches derésistanceet regrouper les 
espritsrebelles. Onpeut proclamerledroit àl’opacité, ledroit ànepastout savoir, le 
droit au silence. Mais il faut se dire aussi que tout ce qui existe meurt de ce qui l’a fait 
naître. Lesystèmemédiatiquen’échapperaàcetterègle. Il sedétruiralui-même 
sousl’effet desapropreinflation. Plusunsystèmegrossit, plusil devient fragile.
C’est aussi l’undestraitsdelamondialisation. « Plusserenforcel’hégémoniedu 
consensusmondial, dit encoreJeanBaudrillard, plusgrandissent lesrisques, oules 
chances, de son effondrement »46. 
A. B. 
1. Cf. Philippe Breton, L’explosion de la communication, Découverte, 1993. 
2. « Le nouvel ordre américain global », in Politis, 8 juillet 1999, p. 36. 
3. « Cetteformedepropagande, écrit Paul Virilio, meparaît plusdangereusequecelledesnazis 
oudescommunistesdanslamesureoùellecréeuneseconderéalité, uneréalitévirtuelleglobaleet 
uniformisantequi sesuperposeàlavraieréalité[...] Il est possibledésormaisderépandrelemême 
messagesurl’ensembledelaplanèteavecuneforcedepromotiontellequelemessageest capable 
de remplacer la réalité » (« L’avènement du “globalitarisme” », in Catholica, hiver 1999-2000, p. 47). 
4. Régis Debray, Traité de médiologie, Gallimard, 1991. 
5. Cf. DominiqueWoltonet Jean-LouisMissika, Lafolledulogis. Latélévisiondanslessociétés 
démocratiques, Gallimard, 1983 ; Jacques Piveteau, L’extasedelatélévision, Insep, 1984 ; Neil 
Postman, Se distraire à en mourir, Flammarion, 1986. 
6. Nouvelles et dessins contre la télé, Réflex, 1999, préface. 
7. Liliane Lurçat, Vie et santé, juin 1992. 
8. AlexandreZinoviev, Lagranderupture. Sociologied’unmondebouleversé, L’Aged’homme, 
Lausanne 1999, pp. 63 et 67. 
9. Cf. GeorgesKiejman, « Quel contre-pouvoir auquatrièmepouvoir ? », inLeDébat, mai-août 
1990. 
10. Sur la désinformation pendant la guerre du Golfe, cf. Alain Woodrow, Information, 
manipulation, Félin, 1991 ; DominiqueWolton, War Game, Flammarion, 1991 ; JeanBaudrillard, La 
guerreduGolfen’apaseulieu,Galilée,1991. Surladésinformationpendant laguerreduKosovo, cf. 
Vladimir Volkoff, Désinformationflagrant délit, Rocher, 1999 ; Paul Virilio, Stratégiedeladéception
Galilée, 1999 ; FrançoisChesnais, TaniaNoctiummeset Jean-PierrePage, Réflexionssurlaguerre 
enYougoslavie, Esprit frappeur, 1999 ; Maîtresdumonde ?LesdessousdelaguerredesBalkans
Temps des cerises, 1999 ; Croyances en guerre. L’effet Kosovo, n° spécial des Cahiers de 
médiologie, 2e sem. 1999. Unexempleflagrant demanipulationaétédonnéaudébut dumoisde 
janvier 2000par laFrankfurter Rundschau, qui arévéléqu’aprèslebombardement par lesavions 
américainsd’untraindecivilsle12avril 1999, surunpont situéprèsdeGrdelickaKlisura, enSerbie, 
lesdirigeantsdel’OTANn’avaient pashésitéàmontrer àlapresseunenregistrement filméoùla 
vitessedesimagesavait étémultipliéepar trois, donnant ainsi l’impressionqueletrainavait fait 
brusquement irruptionàgrandevitessesur lepont, cequi aurait empêchéledétournement des 
missiles, alorsqu’enréalitéil avançait àvitesseréduiteet avait doncêtreprisconsciemment comme
cible du pilonnage. 
11.Cf. AlaindeBenoist, PhilippeConrad, GüntherMaschkeet al., Nonàlacensure ! Delapolice 
de la pensée à la Nouvelle Inquisition, GRECE, 1998 (Actes du XXXIe Colloque national, 30 
novembre 1997). Cf. aussi Le lynchage médiatique, n° spécial de Panoramiques, 4e trim. 1998. 
12. Régis Debray, Cours de médiologie générale, Gallimard, 1991, p. 302. 
13. Jean Baudrillard, Pour une critique de l’économie du signe, Gallimard, 1972. 
14. Nouvelles et dessins contre la télé, op. cit., préface. 
15. Cf. Zygmunt Bauman, Le coût humain de la mondialisation, Hachette-Littératures, 1999, p. 78. 
16. Joël Roman, « Lesmédiascontrel’espacepublic », inLadémocratiedesindividus, Calmann- 
Lévy, 1998, p. 69. « Ni lasegmentationdumarchéni laproliférationdelaparolesauvagenesontles 
antidotesàlamassificationet àl’uniformisationdel’espacepublic : ilsensont plutôt lacontrepartie, 
lessous-produits », écrit encoreJoël Roman, avant d’évoquerune« proliférationdeparolesd’autant 
plussubjectivesqu’ellessont excluesdel’espacepublicet interditesdeconfrontation », qui « se 
perdent alorsdansl’inarticulé, oubiensombrent dansl’encodaged’unenichetechnique »(ibid., p. 
93). Toujoursàproposd’Internet, DominiqueWoltonremarque : « Si leprogrèstechniquesuffisait à 
améliorerlacompréhensionentreleshommeset lessociétés, celaseserait vudepuisunsiècle : les 
progrès des techniques de communication ont été gigantesques, sans pour autant créer une 
meilleurecompréhensionentreleshommes »(« Del’Internet et des hommes », inLibération, 14 
janvier 2000, p. 6). 
17. Jean Baudrillard, Simulacres et simulation, Galilée, 1981, p. 125. 
18. Régis Debray, Cours de médiologie générale, op. cit., p. 320. 
19. Alexandre Zinoviev, op. cit., p. 67. 
20.JeanBaudrillard, « Lasociologie ?Unethérapeutique », inLeMagazinelittéraire, juin1981, p. 
68. 
21. Georges Balandier, Le désordre, Fayard, 1988, p. 228. 
22. Ryszard Kapuscinski, « Les médias reflètent-ils la réalité du monde ? », in Le Monde 
diplomatique, août 1999, p. 8. 
23. Cf. François Brune, Lebonheur conforme, Gallimard ; Lesmédias pensent commemoi ! 
Fragments de discours anonyme, L’Harmattan, 1997. 
24. PierreBourdieu, Sur latélévision, Liber-Raisonsd’agir, 1996, p. 78. Cf. aussi Jean-Claude 
Guillebaud, « Crisedesmédiasoucrisedeladémocratie ? », inLeDébat, septembre-octobre1991 ; 
RolandCayrol, Médiaset démocratie : ladérive, PressesdelaFondationnationaledessciences 
politiques, 1997. 
25. Ibid., p. 16. 
26. Ibid., p. 59. 
27. Jean Baudrillard, La guerre du Golfe n’a pas eu lieu, op. cit., p. 97.
28. Pierre Bourdieu, op. cit., p. 25. 
29. Op. cit., p. 91. 
30. « Onaledroit detout dire, mais àconditiondeparler delamêmechose », constatent 
Florence Aubenas et Miguel Benasayag, La fabrication de l’information, Découverte, 1999. 
31. Cf. àcesujet lestravauxdeSergeHalimi, « Unjournalismederévérence », inLeMonde 
diplomatique, février 1995 ; Les nouveaux chiens de garde, Liber-Raisons d’agir, 1997 ; « Un 
journalismederacolage », inLeMondediplomatique, août 1998. Cf. aussi Jean-FrançoisRouge, 
« Le journaliste au risque de l’argent », in Esprit, décembre 1990. 
32. Jean Daniel écrit cependant : « Oui, c’est vrai, nous passons notre vie à pratiquer 
l’autocensure. Oui, nousconsacronsunepartiedenotreexistenceàchoisir lesvéritésqui nous 
semblent bonnes à dire » (« Notre beau métier », in Le Nouvel Observateur, 14 octobre 1999, p. 56). 
33. Danslapresse, laconcurrencepour laprioritédel’informationaceci dedérisoirequeles 
« scoops »sont rarement perçuscommetels, pour lasimpleraisonquelamajoritédeslecteursne 
lisent qu’unseul journal et nesont doncpasenmesurederéalisersi celui qu’ilslisent publieplusou 
moinsd’informations« exclusives »quelesautres. Seulslesjournalisteslisent touslesjournaux, 
rappelle Pierre Bourdieu. 
34. « Un bonheur si conforme », in No pasaran !, décembre 1999, p. 20. 
35. Le Monde, 8 septembre 1998. 
36. Régis Debray, Cours de médiologie générale, op. cit., p. 321. 
37. Alexandre Zinoviev, op. cit., p. 102. 
38. Edgar Morin, L’esprit du temps, vol. 1, Grasset, 1962, p. 238. 
39. Vladimir Volkoff, Désinformation flagrant délit, op. cit. 
40. Joël Roman, op. cit., pp. 87-88. Cf. aussi Daniel Bougnoux, La communication contre 
l’information, Hachette, 1995 ; Dominique Wolton, Penser la communication, Flammarion, 1997. 
41. AlainFinkielkraut, « Auxamoureuxdutroisièmemillénaire », inLibération, 15-16janvier2000, 
p. 5. 
42. Jean Baudrillard, Simulacres et simulation, op. cit., p. 123. 
43. Jean Lacouture, « Contre la transparence », in Panoramiques, 4e trim. 1998, p. 206. 
44. Joël Roman, op. cit., p. 84. 
45. Ibid., p. 69. 
46 Jean Baudrillard, La guerre du Golfe n’a pas eu lieu, op. cit., p. 100.

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